24 juin 2024

D’une défense européenne à la défense de l’Europe

Le Parlement européen, dont le renouvellement a été acté suite aux récentes élections du 9 juin, contribuera à définir l’agenda politique de l’Union européenne (UE) pour les cinq prochaines années. Le besoin d’une défense renforcée semble rassembler les différents groupes politiques. Aux vues du contexte géopolitique de plus en plus tendu, ce point ne saurait être qu’un élément incontournable des discussions sur l’autonomie stratégique de l’Europe. Quelle conception de la défense mettre en avant ?

Dans cet article, notre partenaire associé, le général (CR) Stéphane Abrial, aborde la nécessité cruciale de faire progresser la défense européenne pour protéger l’Europe.

Où en est la défense européenne aujourd’hui ?

La Défense de l’Europe se trouve à un carrefour, entre son incapacité à se passer aujourd’hui de l’OTAN et la volonté croissante d’une stratégie européenne de défense plus intégrée. L’UE a réalisé des avancées intéressantes avec l’adoption de la Boussole stratégique (2022) et de la Stratégie pour l’industrie de défense (2024). Des initiatives comme la Coopération structurée permanente (CSP) et le Fonds européen de la défense (FED) illustrent les efforts visant à renforcer la coopération entre États membres et l’innovation technologique. Toutefois, des défis demeurent, notamment une fragmentation capacitaire et des investissements insuffisants.

Certains Européens soutiennent l’idée d’une armée européenne, qui pourtant ne pourrait pas exister sans une gouvernance partagée et une vision stratégique commune. Cette idée met également en lumière des écarts significatifs entre États membres en matière de préparation militaire et de niveau technologique. De plus, de nombreux pays de l’OTAN dépendent encore principalement du soutien des États-Unis et négligent de développer des capacités indépendantes.

Par ailleurs divers événements, tels que la pandémie de COVID-19 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ont mis en évidence la dépendance excessive de l’Europe aux importations essentielles de biens, de matières premières et de services. Cet état de fait a montré à quel point toute perturbation de ces chaînes d’approvisionnement pourrait gravement affecter la sécurité et la stabilité économique de l’Europe. En réponse, l’UE songe à acquérir une autonomie stratégique, tout particulièrement en matière de défense et de sécurité, en développant notamment ses capacités en cybersécurité, technologie et renseignement.

L’impact de l’évolution du paysage géopolitique

L’évolution du paysage géopolitique a profondément influencé la défense européenne, façonnant les perspectives stratégiques et les priorités de sécurité de l’Union. La compétition entre grandes puissances, les menaces hybrides et les instabilités régionales imposent une réévaluation des postures de défense.

Le moindre engagement des États-Unis hors de leurs frontières a laissé la place à d’autres puissances, en premier lieu la Chine et la Russie, remettant en cause l’ordre mondial de ces dernières décennies. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a, de plus, radicalement modifié la scène géopolitique, entraînant un élargissement de l’OTAN et un nouvel élan au sein de l’UE pour le renforcement des capacités de défense collective.

Préparer la défense de l’Europe

Sous tensions croissantes, il va sans dire que l’Europe doit être capable de se défendre et de se protéger. Les incertitudes sur l’avenir de l’OTAN, liées aux élections américaines de novembre, y incitent également. Si le rôle de l’Alliance pour la protection du continent demeure crucial, l’UE doit donc se montrer davantage proactive pour se préparer à assurer elle-même sa sécurité. Ses États membres augmentent déjà leur engagement et leurs dépenses de défense, avec un accroissement des budgets de 700 à 800 milliards d’euros entre 2022 et 2028. 

Pourtant, les résultats des élections européennes à venir pourraient aboutir à une baisse des ambitions de convergence et de défense collective. Y aura-t-il un impact sur la stratégie de défense de l’Europe ? Au minimum, il sera nécessaire de trouver un équilibre entre une réponse aux menaces traditionnelles et l’adaptation aux nouveaux défis mondiaux.

En conclusion, alors que l’UE navigue dans un contexte sécuritaire complexe, elle doit redéfinir son approche en matière de diplomatie et de défense. Adopter une stratégie plus cohérente et unifiée lui permettrait de mieux gérer ses relations internationales et de renforcer sa position sur la scène mondiale. Garantissant ainsi sa capacité à répondre efficacement aux menaces existantes et émergentes, elle serait alors en mesure de passer d’une défense européenne à une capacité de défense de l’Europe.

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24 juin 2024
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