6 juillet 2022

Ed Kronenburg

Compromis à la française

« Le troisième tour » ; ainsi les médias faisaient-ils référence aux élections législatives qui se sont déroulées les 12 et 19 juin derniers en France, peu après les élections présidentielles. Un troisième tour, car la composition même de l’instance parlementaire qu’est l’Assemblée nationale détermine la marge de manœuvre dont jouira le nouveau président pour appliquer le programme sur lequel il a été élu.

Guerre de sièges, guerre de pouvoir

Suite à sa première élection il y a cinq ans à la tête de la France, Emmanuel Macron et son parti En Marche!s’étaient assurés une assise confortable lors des législatives. C’est loin d’être le cas, cette fois-ci. Son parti, désormais intitulé Renaissance, détient la plus grande part des sièges (172 sur 577), et l’ancienne « majorité présidentielle », coalition composée de Renaissance et des deux partis alliés que sont le Modem et Horizons, rassemble un total de 248 sièges. 41 manquent à l’appel pour atteindre la majorité nécessaire à une gouvernance sereine (289 sièges).

Aussi, le Président Macron et son gouvernement devront parcourir un chemin semé d’embûches pour mettre en œuvre leur programme et la série de réformes annoncées. Cela n’est pas chose impossible, mais une tâche qui s’annonce extrêmement ardue, comme l’a signalé l’ancien chef de Les Républicains, Jean-François Copé.

Si la victoire du Président Macron aux présidentielles face à la candidate d’extrême droite, Marine Le Pen, est incontestable, il aura tout de même profité du report des voix d’une partie des votants décidés à faire barrage aux extrêmes. En ce sens, les résultats des législatives offrent une meilleure grille de lecture de la composition du paysage politique français, marqué par la montée en puissance du Rassemblement national de Marine Le Pen, passé de 8 à 89 sièges.

Et maintenant ?

Dans quelle mesure le Président Macron pourra-t-il appliquer son programme et faire adopter les projets de loi qui s’imposent ? Tout dépendra de sa capacité à fédérer les intérêts au cas par cas dans l’hémicycle. Bien sûr, le gouvernement peut toujours invoquer l’article 49.3 de la Constitution française pour faire passer des lois sans consultation préalable du parlement. Cela n’est pas sans risque, cependant, car un vote de confiance qui s’ensuivrait pourrait lui être fatal.

La scène politique ne sera certes pas un long fleuve tranquille au cours des prochains mois, aucun des partis de l’opposition (pas même Les Républicains) n’étant disposé, à ce stade, à soutenir le nouveau gouvernement. Un tel glissement du pouvoir politique de la personne du Président de la République vers l’Assemblée nationale est une configuration mal aisée et peu familière en France. Désormais, tout devra être affaire de compromis et de coalitions. Quant à l’espérance de vie du gouvernement, elle n’est que trop incertaine.

Cette situation n’est pourtant pas inédite. En 1988, le Président Mitterrand avait perdu de peu la majorité à l’Assemblée (à 15 sièges près). Le Premier Ministre d’alors, Michel Rocard, avait tout de même survécu près de trois ans, passant maître dans l’art du compromis et usant de toutes les procédures parlementaires possibles pour assurer un vote majoritaire en faveur des projets de loi de son gouvernement. Doit-on s’attendre au même niveau de jeu politique ? L’avenir le dira.

Le gouvernement est tenu de présenter son programme au parlement le 6 juillet. Certains partis entendent déjà soumettre une motion de censure à l’encontre de la Première Ministre, Elisabeth Borne. En outre, le Président Macron peut à tout moment dissoudre l’Assemblée et convoquer de nouvelles élections législatives. Une stratégie plus que risquée, puisqu’il pourrait s’en trouver encore moins bien loti. La vie de l’Assemblée aura rarement atteint ce niveau de tensions et de concentration du pouvoir : raison pour suivre de près les affaires parlementaires, d’autant que les remous à l’Assemblée influeront sur la position de la France sur les scènes européennes et internationales.

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6 juillet 2022

Ed Kronenburg

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